L'exaltation de 18 heures
Les aiguilles de l’horloge du salon marquent 18 heures. Ma grand-mère s’efforce de se lever de son rockincher. Elle finit par s’en extirper puis déambule pour finir dans la cuisine. Ce soir, ce sera Bolognaise. Viande hâchée, tomates, poivrons, oignons et champignons, les saveurs du Sud s’invitent dans la cuisine. L’odeur du beurre qui frémit dans la casserole ouvre l’appétit. C’est le moment où Papi se convainc de se lever à son tour. Comme il dit souvent : “L’heure du repas arrive, mamie s’affaire en cuisine et mes pigeons ont faim”. Il saute dans son bleu de travail, enfile ses bottes et s’échappe par la porte d’entrée : les pigeons n’attendent pas. Comme à chaque fois, Papi sans le vouloir claque la porte. Mamie le réprimande : “Gérard tu le fais exprès, c’est pas possible”. “Ibanaise” notre dalmatienne connait par coeur la scène. C’est l’heure de la promenade. 18h05, les craquements des marches en bois résonnent sous mes pieds. “Ibanaise” commence à aboyer, bondit de joie. Elle dévale les escaliers et trottine vers le cagibi où sa laisse est accrochée sur un porte-manteau juste derrière la porte. Je lui succède. Arrivée à la dernière marche, elle distingue le sourire sur mes lèvres et devient indomptable. La balade du soir, c’est son moment privilégié, c’est aussi devenu le mien depuis que nous sommes en confinement. Le seul instant où je me risque à savourer la caresse du vent qui fouette mon visage et celle du soleil réchauffer ma peau. Le temps d’oublier quelques minutes ce mot rabâché à la télévision “Coronavirus”.
Lolita
"C'est quand on est enfermés et qu'on ne peut plus bouger qu'on se rend compte de la nécessité de prendre l'air et de voyager"